Au début de la présente saison de la Ligne nationale de hockey, j’ai réussi à mettre la main sur des billets pour un match de Canadien au Centre Bell, au grand bonheur de ma fille de 8 ans qui souhaitait voir un match en vrai pour une première fois. Après un début de saison historique de Canadien, le simple fait d’avoir mis la main sur une paire de billets de l’équipe qui allait de toute évidence remporter la coupe Stanley me faisait passer pour un héros dans sa cour d’école pleine de trous.

Ce match avait lieu ce lundi, contre les Prédateurs de Nashville, et ma fille avait l’intention d’être une bonne partisane dans les circonstances, d’applaudir plutôt que huer Canadien et surtout, de manger le pop-corn qu’elle m’avait fait promettre de lui acheter.

Profitant du fait que Canadien perdait déjà 1-0 après 4 minutes de jeu, j’ai fait diversion en nous rendant nous acheter le fameux pop-corn, histoire d’avoir un peu de fun. Et tant qu’à y être, d’acheter aussi une petite liqueur et une petite bière pour oublier les déboires de Canadien. Ma fille avait préparé son coup et souhaitait m’offrir la tournée : ben fière, elle a sorti un 5 dollars de sa poche. Or, c’est 23,50$ que la caissière nous demandait pour notre trio de camelote.

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En retournant à notre siège, ma fille m’a demandé pourquoi j’avais accepté de payer aussi cher pour trois items qui auraient coûté 5 piasses au dépanneur. Ajoutant au passage qu’elle me trouvait particulièrement tata puisque j’avais refusé de lui acheter une poupée au même prix la veille en lui disant qu’elle était trop onéreuse. «Tu sais ma fille, y’a une loi qui n’est pas une vraie loi et qui s’appelle la loi de l’offre et la demande, et à cause d’elle, y’a des situations qui peuvent parfois faire exploser le prix d’une liqueur comme un grain de maïs dans une machine à pop-corn.»

Puis, en deuxième, pendant que Markov créait des revirements à répétition en zone neutre, l’attention de ma fille s’est détournée de l’action pour constater qu’il y avait plusieurs bancs vides dans la section des rouges, contrairement à la section des bleus, tout en haut, où on était. Me demandant pourquoi, je lui ai répondu : «c’est que les gens en haut sont des gens qui n’ont pas les moyens de s’offrir régulièrement des billets pour venir voir jouer Canadien; lorsqu’ils en ont, ils viennent au match, que Canadien soit bon, ou pas. En bas, ce sont des gens qui viennent souvent au Centre Bell. Étant donné que Canadien est pourri raide cette année, ben ils sautent parfois un match ou deux. Mais surtout, ma fille, retiens ce que papa va te dire : des professeurs te diront un jour que les classes sociales n’existent plus. Tu leur diras que c’est genre full pas vrai».

Enfin, en troisième, en allant aux toilettes, on a croisé dans le corridor trois filles dansant sur une scène de fortune au son d’une musique de marde. Ma fille m’a demandé : « pourquoi y’a des filles qui dansent là, ç’a comme pas rapport, non?» Je lui ai expliqué qu’elles étaient là pour se faire regarder par les messieurs qui passaient et qu’elles étaient payées pour ça. Elle m’a dit qu’elle trouvait ça vraiment niaiseux et elle est allée leur offrir du pop-corn.

Un concept par période : capitalisme, classes sociales et féminisme. S’il y en a qui font l’école à la maison, nous, pendant que Canadien jouait comme des chaudrons, ben on a fait l’école au Centre Bell.

Une chronique de Jean-Philippe Pleau

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