ACCENTS. Même si un Saguenéen peut être identifié à l’instant où il ouvre la bouche et qu’un Montréalais ne peut trahir ses origines lorsqu’il prononce «pôteau», le parler québécois est assez homogène, affirment des experts. Et la tendance ne fait que s’accentuer.

Les linguistes définissent deux régions distinctes au Québec: l’est et l’ouest, séparés par un axe (appelé isoglosse) traversant la province légèrement à l’est de Trois-Rivières.

La principale distinction entre ces deux régions est la façon de prononcer le R. «À l’est, c’est le R grasseyé (celui entendu le plus fréquemment) et à l’ouest, c’est le R qu’on pourrait appeler «roulé». C’est une distinction qui date du Régime français», explique la professeure et directrice du département de langue, linguistique et traduction à l’Université Laval, Marie-Hélène Côté.

Toutefois, cette distinction est de moins en moins applicable, le R roulé ne s’employant pratiquement plus.

«Ceux qui prononcent le R roulé font l’exception. Ce sont souvent des personnes plus âgées. Parmi les personnalités publiques, André Sauvé roule ses R, tout comme Michel Tremblay, que l’on associe à un français parlé populaire de Montréal», fait valoir la chargée de cours en linguistique à l’Université de Sherbrooke, Mireille Elchacar.

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Et même les cas classiques comme «baleine» (è) et «baleine» (in) ne respectent pas de façon particulièrement marquée cet isoglosse. «Certains disent baleine (è), mais arrête (aï)», donne en exemple Mme Côté.

En régions éloignées

Malgré tout, il reste encore quelques accents plus marqués, comme au Saguenay, en Gaspésie et dans Charlevoix. Les régions géographiquement éloignées tendent à conserver un accent plus distinct.

Mme Côté soulève que «les gens du Saguenay viennent d’un petit groupe de colons d’abord établis à Charlevoix. Mais ce n’est pas évident de définir ce qui, dans l’accent du Saguenay, est hérité ou non de Charlevoix.»

À noter aussi que le français acadien, bien qu’étant une souche différente du français québécois, teinte le parler dans certaines régions. «Aux Iles-de-la-Madeleine, dans une partie de la Côte-Nord, de la Baie des Chaleurs et de la Gaspésie, l’acadien a eu une influence importante», soutient la lexicographe chez Dictionnaire Usito, Nadine Vincent.

À l’ouest, il n’y a pas de différents accents. Des mots, peut-être. Si quelqu’un dit qu’il « s’est fait lutter par un char », je sais qu’il vient de l’Outaouais.

Marie-Hélène Côté

En Abitibi, on retrouve des expressions de partout au Québec, étant donné la colonisation plus tardive et les diverses provenances des colons qui s’y sont installés.

Explication historique

Cette homogénéité du français québécois s’est instaurée très tôt au sein de la Nouvelle-France. Les colons provenaient surtout du nord-ouest, mais aussi de l’ouest de la France et de la région parisienne.

Tous ne parlaient pas la même variété de français, mais bien un patois. D’ailleurs, le français se parlait surtout à Paris et était même minoritaire en France avant 1757. Dans un désir d’unification du pays, l’État a rendu le français obligatoire dans les écoles en 1882.

«Il n’y a pas beaucoup de traces de ces langues régionales, ici. On en conclut que les colons parlaient français et probablement un patois, soutient Mme Côté. Certains d’entre eux étaient certainement bilingues.»

Leur faible nombre a aussi certainement contribué à atteindre assez rapidement une certaine homogénéité. «En 1641, la Nouvelle-France – un très grand territoire – ne comptait que 300 habitants. En Nouvelle-Angleterre, ils étaient 50 000 à la même époque», ajoute pour sa part Mme Vincent.

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