D’entrée de jeu, une phrase qui frappe. «Ça scrappe une vie», exprime-t-elle. Mais Caroline Morin, la maman de la petite Fanny grièvement brûlée en début d’année dans son siège placée sur la cuisinière, veut mordre dans la vie, être heureuse avec ses enfants. Témoignage avec une mère durement éprouvée qui souhaite faire connaître qui elle est vraiment.

Mais d’abord, en commençant l’entrevue, des nouvelles de la fillette qui a célébré, le 14 août, son tout premier anniversaire. Des nouvelles rassurantes. «Fanny évolue super bien. Elle ne présente aucun retard, ni moteur, ni mental. Elle se développe bien. Elle rit toujours. Elle est toujours enjouée, de bonne humeur. Elle mange et boit bien. Elle nous permet de maintenir le cap», souligne Caroline Morin.

Fanny revient de loin, de très loin même. À la suite du drame survenu le 7 janvier, le poupon a été hospitalisé pendant plus de trois mois, du 8 janvier au 22 avril, à l’hôpital Sainte-Justine de Montréal. Brûlée sur 25% de son corps,  la fillette a dû subir des greffes à l’épaule, au visage et à la tête.

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Fanny a bien failli y rester. «À trois occasions, il a fallu la réanimer, nous a-t-on dit vers la fin», mentionne Caroline.

L’état de Fanny a nécessité, entre autres, des transfusions. Au départ, le personnel médical l’avait placée dans un coma artificiel pour éviter qu’elle ne ressente la douleur.

Bien sûr, la petite, soumise à une dizaine de médicaments, devra subir d’autres greffes. Mais jusqu’ici, en neuf mois, les résultats sont encourageants. «La plasticienne assignée au cas de Fanny, la Dre Isabelle Perreault, n’en revient pas de l’évolution observée. Ça évolue à la vitesse grand V», souligne Caroline Morin.

Pourtant, à un certain moment, les nouvelles apparaissaient plutôt sombres. «On nous disait qu’elle présentait tellement de brûlures qu’avec les greffes, elle ne pourrait pas manger normalement», rappelle la maman de Fanny.

Mais il y a eu, ce qu’ils appellent, le miracle de Pâques. Le jour même où une petite fille recevait le cœur qu’elle attendait depuis si longtemps, Fanny a commencé à téter le biberon. Les parents de la fillette sont demeurés à son chevet tout au long de l’hospitalisation. «Même dans le coma, elle réagissait à nos voix. Je lui parlais tout le temps, je lui lisais des histoires, lui chantait des chansons. Je lui disais que je l’aime», précise-t-elle.
La maman ne s’attardait pas aux blessures subies. «Je ne voyais pas ses plaies, mais juste sa force de continuer. On ne peut abandonner quand tu vois ta fille se battre. Quand on met un enfant au monde, c’est pour qu’il vive et qu’il soit heureux», souligne-t-elle.

Le chemin demeurera cependant long et ardu pour la fillette. Des suivis mensuels se font à Sainte-Justine, sans compter toutes ces visites au centre InterVal en ergo et physiothérapie pour favoriser le développement.

La maman affiche une confiance pour la suite des choses. «On s’attend à des améliorations. Ça va continuer de bien aller. Ils font des miracles. Ce sont des créateurs de miracles», dit-elle à l’endroit du personnel médical.

«On les appelle les magiciens, note Caroline Morin. Tout le personnel, ce sont des gens dévoués, compétents. De véritables anges, ils ont ça dans le sang. Je les considère comme une seconde famille.»

Ne pas juger

Pas facile de se faire pointer du doigt. Les gens ont le jugement facile, déplore Caroline Morin. Même au Manoir Ronald McDonald’s où elle a séjourné durant toute la durée de l’hospitalisation de sa fille. «Mais il est plus facile là-bas de tasser les jugements puisqu’on se trouve avec des parents d’enfants. Au fil du temps, on crée des liens d’amitié. On se supporte. Nous sommes solidaires», dit-elle.

Mais dur retour à la réalité à Victoriaville. «Ça a été difficile, les jugements, les commentaires négatifs des gens. Même des gens de mon édifice à logements ne me parlent plus», indique Caroline Morin. Même situation pour ses deux autres filles âgées de 10 et 12 ans. «Mes filles se font écoeurer à l’école parce que leur sœur est différente», déplore-t-elle.

Caroline Morin dit souhaiter que les gens cessent de juger trop rapidement. «On juge sans connaître véritablement l’histoire. Les gens ont le jugement tellement facile tant que tu ne vis pas quelque chose comme ça. Un accident peut arriver à n’importe qui», note-t-elle.

Fausse image

En s’ouvrant avec le www.lanouvelle.net, Caroline Morin tenait à expliquer le parcours de sa petite Fanny jusqu’ici, son parcours à elle également, et montrer qui elle est vraiment.

Une femme aux antipodes de l’image d’elle qu’ont montrée certains médias le lendemain des tragiques événements. Sur cette image, elle portait des vêtements prêtés par sa mère à sa sortie de l’hôpital et ne pouvait même pas entrer chez elle en raison de l’enquête policière.

«Moi, je suis une personne intelligente, je veux avancer dans la vie, refaire ma vie, avoir des amis, faire en sorte qu’ils connaissent Fanny. Je veux également travailler, j’ai des diplômes, je termine un cours (DEP) en soins aux aînés», souligne-t-elle.

Mais pour le moment, personne ne rappelle, malgré les curriculum vitae expédiés et certaines entrevues réalisées. «Existe-t-il encore des employeurs compréhensifs et ouverts pour accepter le fait que ma fille nécessite de nombreux rendez-vous et suivis médicaux?», se questionne-t-elle.

Un accident, mais pas de pardon

Caroline Morin vient de se séparer de Frédéric Beaudet, le père de Fanny. Le drame a pu jouer un rôle dans la séparation, mais il n’en est pas l’élément déclencheur. Le couple battait de l’aile. «Ça n’allait pas depuis plusieurs mois déjà», confie-t-elle avec franchise. Elle dit avoir pris cette décision pour son bien, mais surtout pour celui de ses enfants. «Pour moi, mes enfants passeront toujours avant toute chose.»

Caroline Morin le clame depuis le début. Ce qui s’est passé, c’est un accident. «Il (Frédéric) a toujours su, dans ma tête, qu’il s’agit d’un accident. Il n’a pas fait exprès, mais je ne pourrai pas lui pardonner. Peut-être un jour, je ne sais pas», confie-t-elle. «Quand ça arrive, ta vie s’arrête, exprime-t-elle. Je la tenais dans mes bras, elle pleurait. Elle était brûlée. Dans ma tête, elle était morte.»

Au sujet des circonstances du drame, le père, en raison de la présence de deux chats et d’un petit chien, a expliqué, selon Caroline Morin, qu’il avait placé le siège sur la cuisinière pour protéger le poupon, pour éviter que la petite se fasse griffer. Il avait déjà posé le même geste une seule autre fois auparavant, assure-t-elle.

Malgré tout, Caroline supportera le père de Fanny qui fait face à des accusations criminelles dans cette affaire. «Les gens n’ont pas à juger Frédéric. Un juge le fera, la justice suivra son cours. Mais Fred se juge déjà beaucoup lui-même. Sa sentence, il l’a. Il vivra avec le restant de ses jours. J’espère du fond de mon cœur que ça finisse bien pour lui pour qu’il puisse aussi continuer sa vie.» Caroline Morin, elle, veut voir Fanny et ses autres filles s’épanouir dans la vie.

Malgré encore certains regards des gens, la maman de Fanny n’a nullement l’intention de cacher sa fillette. «Ce serait lui montrer une faible estime d’elle-même. Je veux qu’elle apprenne ce qu’est la vie», précise Caroline qui a pris en photo toutes les étapes de son cheminement. «J’ai suivi l’évolution pour tout lui montrer et lui expliquer plus tard parce qu’un jour, elle posera des questions. Je ne veux rien lui cacher», ajoute-t-elle.

Pour Caroline Morin, avec la séparation, la recherche d’emploi, la situation financière précaire, c’est un retour à la case départ. Un recommencement à zéro. «J’ai toujours été une fille dynamique. J’ai le goût de refaire ma vie, d’être heureuse, d’être bien entourée avec plein d’amis. J’ai le goût de recommencer ça, le goût de vivre une vie de famille», conclut-elle.